Raoul Pictet - Exposition Nationale Suisse Genève 1896

Journal Officiel Illustré De L'Exposition Nationale Suisse Genève 1896
No 9 - 31 Janvier 1896

M. Raoul PICTET
Ref. Journal Officiel Illustré De L'Exposition Nationale Suisse Genève 1896 - No 9 - 31 Janvier 1896 -- page 97 (page de titre)

 

Le Pavillon Raoul Pictet a l'Exposition
Ref. Journal Officiel Illustré De L'Exposition Nationale Suisse Genève 1896 - No 9 - 31 Janvier 1896 -- page 98

 

Le Café Glacier du Parc des Beaux-Arts
Ref. Journal Officiel Illustré De L'Exposition Nationale Suisse Genève 1896 - No 9 - 31 Janvier 1896 -- page 98

 

A l’Exposition de Genève
IX
Raoul Pictet et le Pavillon Pictet

RAOUL PICTET est né à Genève en 1846. A l’âge de 18 ans, il terminait ses études à l’Académie de cette ville, et publiait des mémoires sur la vision et sur la résistance de l’air, il fut reçu, quoique étranger, comme élève à l’Ecole polytechnique de Paris. Grâce à la passion du travail qui le caractérise, il réussit à faire en même temps des études variées au Collège de France
et à la Sorbonne. Bientôt mis en vue par de nouvelles publications, il devint l’ami des grands maîtres de la Science française: Würtz, J.-B. Dumas, Regnault, Quatrefages, Milne Edwards, Claude Bernard, etc. C’est à cette époque que l’Académie des sciences de Saint-Pétersbourg couronna ses découvertes sur la vision et lui fit l’offre de publier in extenso tous ses travaux. Après trois années employées à de nombreuses recherches sur la thermodynamique et à de longs voyages, R. Pictet revint à Genève.
Le jeune savant s’affirmait tous les jours davantage dans les sciences, Il entrait dans sa vingt-cinquième année lorsque le vice-roi d’Egypte le chargea de fonder l’enseignement de la physique expérimentale à l’Ecole supérieure du Caire. Grâce a ses remarquables facultés pour toute chose, trois mois plus tard R. Pictet professait en langue arabe. Pendant les trois années qu’il passa en Egypte, il publia de très intéressantes observations sur les phénomènes atmosphériques du désert, les actions solaires, les trombes de poussière, ainsi que sur la température et les crues du Nil il fit de grandes chasses dans l’intérieur du pays et contribua à rassembler les splendides collections des musées du Caire et de Naples.
Frappé de l’impuissance à guérir les morsures des reptiles si nombreux en Egypte, il étudia l’action physiologique du venin des serpents; il en eut même à un certain moment quatre cents des plus dangereux sur la terrasse de sa maison. Cette demeure devint un objet d’épouvante et les indigènes parlent encore avec un enthousiasme touchant du <savant de Genève qui, au péril
de ses jours, cherchait un moyen de combattre les effets de ces terribles morsures.
En 1874, R. Pictet fut appelé à Genève pour y enseigner la physique et les mathématiques, car il est aussi un mathématicien de premier ordre. Il accepta aussitôt les offres faites et vint une seconde fois se fixer dans sa ville natale. Alors il perfectionna ses machines à glace, qui fonctionnent actuellement dans tous les pays. Il imagina ensuite un procédé pour créer en n’importe quelle saison des étangs de glace artificielle, il fut immédiatement appelé à Londres, Manchester, Stouthport, et y construisit les premiers (Skating Rinks> qui ont existé. Il est impossible depuis cette époque d’analyser les nombreuses découvertes qui ont porté partout la renommée de notre concitoyen. Le 22 décembre 1877, il liquéfiait l’oxygène au moyen d’appareils de son invention; plusieurs professeurs de Genève assistaient à ses expériences. Le 27 du même mois, quelques physiciens, entre autres l’éminent professeur Hagenbach de Râle, vinrent à Genève pour voir le nouveau gaz liquéfié. Cette date du samedi 22 décembre 1877 est restée l’une des plus célèbres dans la science, car, ce jour-là, la théorie généralement admise des gaz permanents a été renversée et le champ immense des recherches aux très basses températures a été ouvert. Le télégramme adressé à l’Académie des sciences arriva à Paris le samedi soir. Le lundi suivant, les académiciens se réunirent. Après avoir pris connaissance de la découverte de R. Pictet, Saint - Claire Deville déclara que Cailletet avait liquéfié l’oxygène déjà vingt jours auparavant, mais ne l’avait pas annoncé pour des raisons personnelles. Certains journaux français prétendirent que R. Pictet avait surpris les expériences de Cailletet à Paris et était venu les refaire à Genève. Une triste polémique s’engagea alors dans les organes politiques quotidiens. Cependant la différence des méthodes suivies et des appareils employés par les deux savants était telle que Cailletet, tout le premier, protesta et se lia avec notre concitoyen d’une étroite amitié qui dure encore. L’illustre chimiste Regnault, quoique très malade, se rendit à l’Académie des sciences pour déclarer que R. Pictet lui avait déjà fait part en 1872 de cette méthode restée classique sous le nom de « procédé des refroidissements successifs> et que seuls les événements et les ressources matérielles rayaient empêché d’expérimenter cinq ans plus tôt. Ce furent les derniers mots que le maître prononça en public; on le reporta chez lui et il mourut peu de temps après.
Justice fut enfin rendue; tous les journaux qui avaient attaqué R. Pictet publièrent une élogieuse rétractation. Il reçut alors la décoration de la légion d’honneur.
A cette époque il se livra avec M. Gustave Cellérier, à peu près sans interruption pendant dix-huit mois, à l’un des calculs les plus longs et les plus difficiles de la théorie mécanique de la chaleur. La fatigue qu’il en éprouva fut telle qu’il perdit l’oeil gauche et resta un an entre la vie et la mort.
Lorsqu’il fut rétabli, il reprit ses cours, mais, en 1880, il quittait le sol natal pour établir à Berlin un laboratoire qui n’a cessé d’attirer l’attention du monde savant par les nombreuses découvertes qui s’y sont succédé.
Les basses températures que Pictet obtint là pour la première fois, avec la puissance perçue par lui, le mirent à même de créer un champ d’investigation où la physique et la chimie moderne ont trouvé et acquerront encore d’importants et précieux renseignements.
R. Pictet a produit dès lors d’innombrables travaux publiés par toutes les grandes académies; il aborde, avec la même hauteur de vues et le même succès, la physique, la chimie, la biologie et la médecine.
Ses communications lui ont valu les marques de distinction les plus flatteuses. Les villes d’An-vers et de Rome lui décernèrent des diplômes et des médailles d’honneur. En 1895, la Société industrielle du Nord de la France lui accorda sa grande médaille d’or à Lille,
La Suisse est, à juste titre, fière de cet enfant qui, chez elle ou sur la terre étrangère, a réussi, par ses rares facultés et son immense labeur, à jeter sur elle un vif rayon de gloire. Aussi a-t-elle été heureuse de voir la collaboration de ce grand savant assurée pour la fête nationale où toutes les forces intellectuelles de notre petit pays seront mises à contribution.
Le Comité de notre Exposition, comprenant l’intérêt que pourrait avoir une démonstration expérimentale des dernières inventions de Pictet, le sollicita d’entreprendre la création d’un pavillon personnel où toutes les applications du froid seraient mises sous les yeux du public.
R. Pictet accepta cette proposition avec empressement et s’assura le concours d’un de ses anciens élèves, M. Paul Galopin, jeune savant qui s’est fait connaître dans le monde scientifique par ses travaux et ses découvertes sur la compression et les compresseurs.
Le Pavillon Pictet est d’une conception originale, et il fera époque dans la thermodynamique, science de l’énergie et de la chaleur.
Les forces naturelles du Rhône seront employées par l’intermédiaire de l’électricité au fonctionnement de compresseurs qui permettront d’atteindre, par la liquéfaction de certains gaz, des températures inaccessibles avant l’invention du dispositif Pictet.
Les plus grandes maisons suisses: Burckhardt, Escher-Wyss, Sulzer, la Société de l’industrie électrique à Genève, ont tenu à prêter leur concours à M. Pictet pour l’exécution de son grand projet. Les machines les plus perfectionnées seront mises à sa disposition pour contribuer, chacune dans sa spécialité, à l’harmonie parfaite d’une manifestation industrielle et scientifique de premier ordre.
L’industrie ne peut revendiquer toute seule l’honneur du Pavillon Pictet. La finance genevoise n’a pas voulu rester en arrière et a tenu dans sa sphère à apporter largement son concours à cette oeuvre. Une association s’est constituée et le Comité de direction composé de MM. Henri Aubert, Alfred Cartier, Paul Galopin, Marc Jacquet, est chargé d’administrer les fonds nécessaires à la construction du Pavillon.
Nous plaçons sous les yeux de nos lecteurs la façade de ce grand bâtiment qui se composera de trois parties: salle des machines, amphithéâtre de 500 places et bar,
M. Peyrot, architecte, est chargé de l’étude et de la construction du bâtiment.
Un article spécial, demandé à une plume particulièrement qualifiée, sera consacré à la description complète du Pavillon.
Il n’est personne qui ne souhaite à cette entreprise un succès digne du nom qu’elle porte, ainsi que de tous les efforts et de tous les appuis qu’elle a suscités à Genève.

F. Dussaud.

F. Dussaud
Ref. Journal Officiel Illustré De L'Exposition Nationale Suisse Genève 1896 - No 9 - 31 Janvier 1896 -- page 97 à 99

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