Raoul Pictet - Exposition Nationale Suisse Genève 1896

Journal Officiel Illustré De L'Exposition Nationale Suisse Genève 1896
No 31 - 21 Août 1896

La Frigotherapie au Pavillon Raoul Pictet

Dans quelle mesure un changement brusque de la température du milieu ambiant peut-il influencer notre état physiologique et quel parti thérapeutique peut-on tirer des modifications survenues? Telle est la double question que M. Raoul Pictet, assisté de deux savants médecins, MM. les Drs Chossat et Cordès, est en train d’étudier au moyen de ses vastes puits frigorifiques. Les résultats en seront publiés plus tard, mais il est dès maintenant intéressant de constater que, si les effets d’un froid intense ne sont pas absolument concordants sur les affections de l’estomac, ils présentent une parfaite uniformité sur le coeur et l’appareil respiratoire.
Chose curieuse, le premier résultat de l’application d’un froid de -110° sur un animal à sang chaud, chien ou homme, peu importe, est de faire monter la température de son corps de quelques dixièmes de degré, d’accélérer les pulsations de ses artères et ses mouvements de respiration. L’organisme subitement assailli par une très basse température se défend donc automatiquement en brûlant davantage ses tissus, de la même façon que nous consommons plus de bois dans nos fourneaux, lorsqu’il fait très froid en hiver.
Au cours de l’une de ses conférences sur l’application du froid en biologie, M. Raoul Pictet nous a exposé d’une façon saisissante les phases par lesquelles passe un chien avant de mourir de froid. L’animal, de taille moyenne, fort et robuste, est descendu dans le puits à la température de 100 degrés au-dessous de zéro. Aussitôt il se met en état de défense. Sa respiration s’accélère, le nombre des pulsations cardiaques augmente, le chien mange avec avidité des aliments qu’il refusait tout à l’heure, on dirait qu’il sent qu’il doit se pourvoir de combustible. La plus grande absorption d’oxygène a pour conséquence à peu près immédiate de faire monter sa température, ainsi qu’en témoigne l’ascension du thermomètre qu’on lui a préalablement placé au pli de l’aine.
Au bout de dix minutes sa température s’est élevée d’un demi-degré. Mais, si l’on prolonge l’expérience quelques minutes encore, le combat entre la machine vivante qui cherche à compenser le refroidissement dû au rayonnement de sa chaleur et le froid excessif qui l’enveloppe, devient par trop inégal; la débâcle commence. Ce sont les extrémités qui sont les premières atteintes. Le chien sacrifie ce qui lui est le moins nécessaire, pour concentrer son activité vitale sur les organes essentiels. Le coeur continue à battre très fort, alors que les pattes sont déjà irrémédiablement perdues. Le thermomètre descend, il revient à la température normale de 37°, puis, peu à peu, il s’abaisse au-dessous de cette température. Une heure plus tard, il ne marque plus que 22°; l’animal peut dès lors être considéré comme mort; aucun soin ne pourra plus le ramener à la vie, il a, pour ainsi dire, épuisé ses munitions de guerre et se trouve soumis aux lois qui président au refroidissement des corps bruts.
On conçoit qu’instruits par cette expérience, que M. Pictet a contrôlée sur des animaux d’espèces diverses, les médecins ne laissent pas séjourner dans le puits au-delà d’un quart d’heure les personnes curieuses d’éprouver un froid beaucoup plus grand que ceux des régions polaires. J’ai passé, l’autre jour, douze minutes dans le cylindre à double paroi, où l’on obtient, par la détente de gaz préalablement liquéfiés, une température de -105°; la première sensation n’est nullement désagréable, c’est une fraîcheur exquise au contraire. Pourtant, lorsque le thermomètre placé sous ma langue eut cessé de monter et que l’accélération de mon pouls commença à faiblir, je m’aperçus que j’avais grand froid aux pieds et au bout des doigts; alors on me retira et, quelques instants plus tard, il ne me restait plus comme souvenir de l’expérience qu’un fort appétit et un peu d’engourdissement dans les jambes. Il est à présumer, par conséquent, que quelques visites aux puits de M. Pictet pourraient rendre l’appétit à ceux qui l’ont perdu. Mais attendons, avant d’en dire davantage, que l’enquête très sérieuse de MM. Chossat et Cordés soit achevée. E. Y.

Emil Yung
ref. Journal Officiel Illustré De L'Exposition Nationale Suisse Genève 1896 - No 31 - 21 Août 1896 -- page 369

 

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ref. Journal Officiel Illustré De L'Exposition Nationale Suisse Genève 1896 - No 31 - 21 Août 1896 -- 1er page intérieure (pas de numéro)

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ref. Journal Officiel Illustré De L'Exposition Nationale Suisse Genève 1896 - No 31 - 21 Août 1896 -- 1er page intérieure (pas de numéro)

 

 

 

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